Nos engagements:
LE DIALOGUE SOCIAL, OUI, MAIS LE RESPECT DU DROIT DU TRAVAIL D'ABORD!
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Le Droit est-il naturel?
Le droit du travail, ce n'est pas quelque chose de naturel chez les êtres humains, le droit tout court non plus. L'institution des droits de l'homme n'a pu se faire que par la Révolution française. Les droits politiques de la femme n'ont été acquis qu'après la guerre en 1944. Et le droit d'association des salariés en syndicats date de 1884. Il était normal que celui qui naissait dans une famille où les seules personnes extérieures qu'il côtoyait étaient des domestiques considère que le reste de l'humanité était composé d'êtres inférieurs. Il arrive encore que ceux qui ont pu faire des études supérieures grâce au soutien matériel familial et acquièrent un poste de manager trouvent normal de commander à des égaux qui doivent obéir. En tout cas, si le droit du travail n'est pas naturel puisqu'il est institué dans un code du travail, il ne s'apprend guère dans les écoles, sauf si on se spécialise dans cette étude qui a peu de débouchés: inspecteur du travail, responsable des ressources humaines, avocat spécialisé, conseiller juridique de syndicat.
Comment le droit du travail s'applique dans une entreprise?
L'Inspection du Travail, les Tribunaux et notamment ceux des Prud'hommes, sont les garants extérieurs de l'application du droit du travail dans les entreprises. Le législateur n'a pas institué les Responsables des Ressources humaines comme les garants internes de l'application de ce droit. Le Code du travail a institué les Délégués du personnel, le Comité d'entreprise et le CHSCT comme les garants internes de l'application du droit du travail dans l'entreprise. Les Délégués du personnel présentent "à l'employeur ou à l'inspecteur du travail" les réclamations ou observations relatives "à l'application du code du travail et des autres lois et règlements concernant la protection sociale, l'hygiène et la sécurité, ainsi que des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise". Le Comité d'entreprise est notamment "obligatoirement informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise". Le CHSCT veille à l'appplication par l'employeur des "dispositions légales et règlementaires relatives à l'hygiène et à la sécutité dans le travail, ainsi qu'à la médecine du travail". Le législateur a prévu que les représentants dans ces instances soient des élus dans les élections professionnelles, et c'est pour garantir le contrôle des salariés sur eux afin qu'ils défendent leurs intérêts et non des intérêts patronaux ou partisans. Si les élus que se donnent un syndicat sont absents des débats dans les instances représentatives, ou ne prennent pas position, ou laissent un employeur faire ce qu'il veut à l'encontre des salariés, les salariés électeurs ne manqueront pas de sanctionner les candidats de ce syndicat, et lors des élections professionnelles suivantes, ils reporteront leur voix sur des syndicats qui acceptent de les défendre, voire des syndicats qui ne voudront pas le dialogue social. L'intérêt d'un syndicat qui veut élargir son audience, c'est de défendre le droit du travail. L'intérêt d'un directeur local peut être d'y commettre des entorses qui l'arrangent temporairement, mais son intérêt à long terme est d'avoir des syndicats qui pratiquent le dialogue social, et qui peuvent se le permettre par leur poids électoral. Il est vrai que quand un directeur local ne reste en place que trois ans, voire deux, la tentation est grande d'aller à l'entorse permanente. Les dirigeants supérieurs de Coca-Cola devraient le comprendre au lieu de pousser les syndicats au laxisme au risque de les déstabiliser, ou bien de chercher à les diviser au maximum en s'imaginant qu'un syndicat ayant un faible appui des salariés sera moins porté à défendre les salariés, voire à alerter l'Inspection du Travail.
Le droit du travail doit-il être respecté?
Les salariés ont droit au respect en tant que salariés. Il est rare que le respect des hommes soit outrepassé dans l'entreprise car chacun sait ce à quoi il s'expose. Mais le respect des salariés n'est pas toujours effectif. C'est l'employeur qui est responsable de ce non respect, même s'il s'exprime par l'intermédiaire du manager, car il n'est pas possible de ne pas conclure qu'un employeur tolère ce qui persiste. Le respect des salariés en tant que salariés, c'est le respect de leurs droits au quotidien.
- Les salariés ont droit à un travail à partir du moment où ils ont signé un contrat.
Passer outre, c'est un des moyens du harcèlement moral des salariés.
- Les salariés ont droit à un salaire correspondant à leur poste.
Ne pas donner à un salarié le coefficient normal du poste ou le niveau de son bloc de compétences n'est pas justifiable. Embaucher de nouveaux salariés au coefficient ou niveau qu'ont péniblement atteint des salariés après 10 ans, sous prétexte que le marché a évolué, n'est pas acceptable. Intégrer dans un contrat de travail un concours qui ferait qu'une partie du salaire serait aléatoire n'est pas légal (alors qu'une part variable en fonction de l'effort individuel est légale).
- Les salariés ont droit à des formations correspondant à l'évolution des postes.
Il est interdit de faire évoluer un poste et de donner le poste à un autre si le salarié qui l'occupait peut remplir le poste évolué avec une formation. Il est interdit de licencier un salarié sous prétexte qu'il ne serait plus en phase après une longue absence alors qu'une formation permet de rattraper rapidement ce qui a été intégré lentement par les autres.
- Les salariés ont droit à une formation sur leur nouveau poste s'ils ont été promus ou s'il y a eu une modification du domaine d'application de leur travail.
Il serait trop simple de les accuser d'ignorance, de faute, d'incompétence ou de résultats insuffisants alors que les êtres humains ne savent faire que ce qu'ils apprennent.
- Les salariés ont droit à la promotion interne, c'est-à-dire à l'application de l'article 45 de la CCN des BRSA qui oblige l'employeur à rendre public les postes à pourvoir et à les communiquer au Comité d'établissement, afin qu'avant un appel à un recrutement extérieur, les salariés CDI et CDD puissent discuter leur prétention et leur parcours scolaire et professionnel.
La non ouverture de postes à la Bourse de l'emploi, un salarié choisi avant publication de l'offre, le poste gelé après qu'un candidat se soit fait connaître, ce sont des exemples si fréquents qu'ils sont source d'inquiétude permanente des salariés. L'ancienne version de la Bourse de l'emploi où l'on décrivait les diplômes, l'ancienneté et l'expérience quasi du profil du candidat retenu par les chefs de service est heureusement révolue et il faut saluer le geste de Coca-Cola qui désormais a osé l'interdire.
- Les salariés ont droit à des conditions de travail correctes, que la production soit ralentie ou intensifiée, qu'il y ait des congés ou non dans l'équipe, qu'il y ait l'effectif normal ou des absences, qu'il y ait le chef d'équipe présent ou absent, que les machines conduites ou les appareillages utilisés soient fonctionnels, chaotiques ou défaillants.
Les moyens qu'a le salarié pour faire valoir ses droits sont les requêtes au supérieur hiérarchique, les réunions d'équipe, les réclamations par l'intermédiaire des Délégués du personnel, les rencontres à l'occasion d'évaluation des risques professionnels, les fiches de signalement d'incident, les cahiers de consignes, les feuilles de poste, etc. Il n'est pas normal que l'encadrement trouve anormal de passer par une autre instance que la sienne, car si le manager a montré dans le passé qu'il n'est pas performant pour régler ce genre de problème, il est normal d'être méfiant. Il n'est pas normal qu'un employeur fasse des reproches à un salarié pour ne pas avoir suivi ce qu'il estime "naturel" ou "prioritaire" ou "fair-play".
- Les salariés ont droit à la sécurité et à la santé à leur poste de travail, quelles que soient les conséquences pour la marche de l'entreprise, la continuité du service ou les circonstances exceptionnelles.
Un directeur a signé un jour une déclaration importante précisant que le devoir de tout manager était de ne pas voir un risque sécurité sans réagir. C'est une déclaration honorable et il est normal que les salariés s'attendent à sortir de l'entreprise comme ils y sont entrés, avec juste la fatigue d'une longue journée ou nuit de travail. Attendre des mois ou des années une sécurité sur sa machine ou ses appareillages, être mis en danger avec un ordre d'une opération inhabituelle où le supérieur hiérarchique est pressé, risquer un accident parce qu'un appareil est en panne ou des moyens de protection non commandés, devoir faire quelque chose en vitesse parce qu'on nous le demande au dernier moment, travailler avec des remarques blessantes d'un chef, travailler sans pouvoir avoir une pause parce que le salarié remplaçant est indisponible, tout cela et bien d'autres choses que les salariés subissent au quotidien est inacceptable.
Faut-il adapter le code du travail?
Les instances représentatives que sont la Délégation du personnel, le Comité d'entreprise et le CHSCT ne peuvent légalement que faire appliquer la réglementation du travail. Les syndicats sont habilités à modifier le code du travail, soit pour l'améliorer, soit pour changer des dispositions existantes en contrepartie d'autres avantages si une loi le permet.
Quand un employeur cherche à placer les représentants élus des salariés devant des faits accomplis où il veut modifier unilatéralement la réglementation ou l'interpréter à sa guise, il porte atteinte aux droits des syndicats qui ont seuls pouvoir de négocier. Un délégué du personnel n'est pas un délégué syndical et le comble est de lui demander d'être indulgent sur une entorse au code du travail alors qu'il a mission de le faire appliquer. Signer des accords, ce n'est pas du marchandage, ce n'est pas du "tu me laisses faire ci" et "je te laisse faire ça". Un accord est un compromis entre les intérêts de la bonne marche de l'entreprise et les intérêts des droits des salariés. Mais pour qu'il y ait un accord, il faut une signature au bas d'un document entre le directeur d'une entreprise et les syndicats, des propos en Comité d'entreprise ne peuvent la remplacer.
Dépôt CCE: 17-juin-2003
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Responsable de publication: André PUJOL
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