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No26
   17-juillet-2001   

Editorial:

Faire un renvoi sur votre blog UN PROJET D'ACCORD SUR LE COMPTE EPARGNE TEMPS PIRE QUE LA LOI

Notre entreprise nous avait habitués au siècle dernier à être citée comme exemple dans les revues ou livres de droit social. Coca-Cola Entreprise veut-elle annoncer le nouveau siècle en étant citée comme une entreprise de régression sociale? On pourrait le penser à voir ce qui s'est passé jusqu'à maintenant dans la négociation sur le compte épargne temps.
Le compte épargne temps, c'est une possibilité ouverte par la loi, après conclusion d'un accord d'entreprise qui en définie les modalités, d'instituer comme un droit pour le salarié le report d'une partie des jours de repos (congés payés, jours de repos RTT salarié, ...) à une autre période choisie par lui à partir d'une épargne personnelle. La loi du travail de 1994 l'avait mis en place pour les temps de formation, et à partir de six mois minimum. Les lois Aubry l'ont étendu au congé pour convenance personnelle et ont mis son minimum à deux mois (négociable par accord selon une Circulaire ministérielle).
Au niveau de la branche, un accord avait été conclu en 1996 pour encadrer la loi de 1994. Coca-Cola s'est bien gardé de vouloir négocier un accord à cette époque. Maintenant que la loi a amélioré pour les salariés cette ancienne législation, Coca-Cola voudrait appliquer l'ancienne législation. En effet, le premier projet présenté mettait les prises de congé sans solde à six mois, pour formation comme pour convenance personnelle.
On aurait pu penser que Coca-Cola Entreprise n'avait pas bien lu les différents textes avant de négocier. Mais comme le représentant de l'entreprise annonçait dès le début qu'il ne souhaitait pas trop favoriser des congés sans solde pour convenance personnelle, on comprend mieux que ce qui l'intéressait, c'était privilégier les formations personnelles. Bien sûr, un accord sur le compte épargne temps sur les formations peut être une possibilité pour l'employeur de se désengager de certaines formations pour les faire prendre en charge par les salariés. Mais un accord, c'est normalement la conciliation des intérêts des salariés et de ceux de l'employeur. Dès lors qu'il n'y a pas de contrepartie pour les salariés, c'est-à-dire de compte épargne temps pour convenance personnelle, il n'y a pour Force Ouvrière plus rien à négocier.
Et c'est le même représentant de l'employeur qui disait ne pas vouloir favoriser des reports de congés pour convenance personnelle qui osait annoncer qu'il avait autorisé des salariés n'ayant pu pendre tous leurs congés payés à les garder pour un futur accord sur le compte épargne temps non encore signé ! Cela rappelle une pièce de Molière.
Si un accord sur le compte épargne temps était signé avec cinq mois minimum pour convenance personnelle (pas signé par Force Ouvrière), cela signifierait quoi ? Cela voudrait dire que le salarié devrait attendre 9 ans pour prendre un congé pour convenance personnelle de cinq mois dont il ne pourrait financer que 4 mois et demi. Et si le salarié se rendait compte qu'il est tombé dans un piège et décidait de n'attendre que 4 ans pour prendre un congé de formation de deux mois, il pourrait financer intégralement son congé de 2 mois, mais il devrait payer sa formation (et une formation de deux mois, c'est sans doute plus cher que la perte d'un demi-mois de salaire). On comprend mieux pourquoi le Comité Central d'Entreprise a préféré, sur le projet, émettre un vote unanime "pas d'avis".
Force Ouvrière est attaché au "principe de faveur" qui veut qu'un Accord d'entreprise soit plus favorable aux salariés que l'Accord de branche ou le Code du travail. Signer un projet de compte épargne temps pire que la loi, ce serait commencer à rentrer dans une logique où les syndicats deviendraient des auxiliaires des patrons contre les salariés. Cela ne s'appelle plus du syndicalisme.
Jean-Pierre PUZIN, Délégué syndical central


Nos engagements:

Faire un renvoi sur votre blog POURQUOI UN CODE DE BONNE CONDUITE POUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

Pourquoi Coca-Cola a-t-il présenté en Comité Central d'Entreprise et dans les Comités d'établissement une "Charte d'utilisation des Nouvelles techniques d'information et de télécommunication" ?

La modification du règlement intérieur pour faire face à des problèmes nouveaux est une possibilité légale laissée aux employeurs après consultation du Comité central d'Entreprise et des Comités d'établissement. Les consultations ont montré de vives réactions des représentants des salariés et Coca-Cola Entreprise a dit retirer son projet pour des raisons techniques. Peut-être l'employeur s'est-il aussi informé des souhaits des représentants des employeurs qui préfèrent renforcer le dialogue social en définissant avec les syndicats dans les branches un "code de bonne conduite" sur les nouvelles technologies de communication interne.

Que contenait le projet de Charte présenté par CCE ?

Si l'on peut résumer d'un mot, disons : espionnage. C'est en tout cas les réactions émises lors des consultations. Si nous avons intitulé cet article d'analyse "pourquoi", c'est parce que ce mot est absent du vocabulaire de la Charte qui par contre est prolixe en "comment". Mais avant de savoir comment vont-ils recevoir des coups de règle sur le bout des doigts, les salariés se posent plus simplement la question: Pourquoi une telle punition? De quel droit? Le dialogue n'est-il pas possible autrement?

Quelles sont les anomalies du champ d'application de cette Charte ?

On remarque qu'elle s'applique aux salariés, aux intérimaires et aux stagiaires. Les salariés des sociétés extérieures qui travaillent sur le site et sont amenés à utiliser les outils de communication de CCE et à correspondre avec les autres salariés sont ignorés. Les salariés du Centre administrateur de la messagerie de Bruxelles ou des autres sociétés Coca-Cola en France qui envoient aussi des fichiers, parfois aussi Atlanta, sont ignorés. Il est vrai qu'un règlement intérieur ne peut les concerner (sauf la première catégorie citée). Toujours est-il qu'ils envoient des messages aux salariés et que ces derniers peuvent difficilement les identifier.

Le règlement intérieur n'est-il pas suffisant s'il s'agit d'éviter des abus dans l'utilisation de ces messageries et d'Internet ?

Le règlement intérieur prévoit la possibilité d'intervenir face à des abus des salariés. Quels peuvent être ces abus. Si l'on se réfère à ce qui, historiquement, s'est passé sur les messageries, on peut énumérer: des messages d'Atlanta ou de Bruxelles en anglais incompréhensibles pour les salariés français, des jeux ou des photos de vacances envoyées à toute l'entreprise en se trompant d'adressage, des messages dramatiques signalant un danger ou un virus nouveaux. Avec un exemple chaque six mois, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Pour ce qui est de la consultation d'Internet, il n'y a pas beaucoup de postes dédiés dans l'entreprise et ceux qui y ont accès ont quand même des taches difficilement compatibles avec la consultation de "sites radio et télévision en ligne".
Pour ce qui est d'interdire "la réception et la détention de fichiers exécutables ou non (textes, photos, vidéos, jeux, etc)", on ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer. Si la mise de jeux sur PC est non-autorisée, pourquoi l'employeur a-t-il fait installer plusieurs jeux sur les PC pour la détente des salariés. Si les vidéos sont non-autorisées, pourquoi l'employeur a-t-il installé plusieurs vidéos sur les PC pour l'éducation des salariés. Si les photos sont non-autorisées, le travail ne va-t-il pas vite se ralentir s'il faut en revenir au texte ? Et si les textes sont non-autorisés, y a-t-il encore un travail possible. Bref, on voit bien que la Charte ne parle pas des abus, mais vise le global et tout un chacun.

Quelles sont les règles de la Charte concernant la messagerie ?

La 1ère règle concerne l'interdiction de réception de messages par abonnement à des sites de nouvelles. Elle semble normale, mais comme cela risque d'être un moyen de travail normal dans un futur proche car ces sites vont se spécialiser et permettre l'envoi de messages obéissant à des tris, il est peut-être prudent de ne pas fermer la voie au progrès. Les voitures ne font pas que rejeter du gaz carbonique et de l'eau et transportent aussi des conducteurs et des passagers. Les messageries aussi.
La 2ème règle concerne la recommandation de ne pas ouvrir de messages dont l'émetteur n'est pas connu. S'il s'agit d'éviter des virus, la règle semble normale, mais sachant que la majorité des virus sont envoyés, involontairement, par des interlocuteurs connus, il serait plus sage d'inciter les salariés à passer un antivirus avant de cliquer sur ce qu'ils reçoivent. Et de toute façon, il semblerait que les antivirus permettent de détecter les virus dans les messageries aussi.
La 3ème règle concerne l'interdiction de faire suivre en chaîne des messages (alerte, humour, bonne humeur). A part faire perdre leur temps aux réceptionnistes, il est vrai que ces messages, souvent bavards, n'apportent rien. Mais il suffit en général de s'être fait piéger une fois pour ne pas avoir envie de perdre son temps par la suite.
La 4ème règle concerne l'interdiction de contrevenir à la loi dans le contenu d'un message véhiculé. C'est une remarque d'évidence, mais qui concerne plutôt le citoyen que le salarié.
La 5ème règle concerne la protection du droit de propriété pour les images ou textes reproduits. C'est une règle aussi évidente.

Qu'en est-il des sanctions dans cette Charte ?

Si l'objet de l'article est de punir en cas d'abus de ces cinq règles, on pourrait comprendre Coca-Cola Entreprise. Mais le constat des abus à ces cinq règles peut passer par d'autres moyens que l'espionnage. Dire sans autre précision que la Direction s'arroge "le droit de contrôler sans préavis et à tout moment les sites Internet visités et le contenu des messages émis et reçus via la messagerie électronique" n'est pas acceptable. En tout cas, CCE n'a pas le droit de confier ce rôle à un organisme extérieur à l'entreprise. On peut aussi se poser une question plus simple puisque à aucun moment le mot abus n'est cité dans la Charte: Coca-Cola Entreprise ne met-il pas en avant des règles pour justifier cet espionnage des salariés ?
Le contenu des mails semble être, tout comme des courriers et les conversations téléphoniques des éléments confidentiels dont la consultation par un employeur comme par toute autre personne que la personne concernée, n'est pas encore autorisée par la législation. Non seulement aucune poursuite ne peut être faite sur la base du contenu des messages émis et reçus, mais il semble bien que l'inverse soit prescrit par la législation.

Les mots de passe et numéro identifiant que le collaborateur est censé "protéger" sont-ils confidentiels ?

Les mots de passe sont bien "individualisés", bien que connus de l'administrateur basé en Belgique CCE European Support/CCE. Par contre, contrairement à ce que dit cette Charte, le numéro identifiant est public puisque consultable au démarrage de l'ordinateur (et il n'y a pas de protection réelle pour le lancement de Windows). Et si l'on souhaite connaître le numéro identifiant que chacun doit "protéger", il suffit de consulter le "book" des adresses électroniques qui révèle publiquement celui des dizaines de milliers de personnes qui de par le monde travaillent pour la Compagnie. On se demande par qui cette Charte a été écrite.

Pourquoi un supérieur hiérarchique aurait-il besoin de consulter la messagerie des salariés de son équipe ?

Les salariés d'un service ayant besoin d'accès à des fichiers le font actuellement par la mise de ces fichiers sur le réseau, et les mails sont envoyés en copie aux différentes personnes en ayant besoin. La possibilité de consultation des mails par le supérieur hiérarchique semble viser autre chose qu'un besoin de travail. Et quand un chef a envie de connaître les mails de ses collaborateurs, il y a aussi une pratique, non écrite dans la Charte, qui consiste à détourner les mails personnels comme cela se pratique au siège. Si chaque salarié doit donner à un collègue son mot de passe, plus à son supérieur hiérarchique, cela signifie en pratique vu les congés qui font changer les collègues présents et qui mettent aussi un chef remplaçant dans le même cas, que le mot de passe est connu en trois ans de tout le service. Qu'est-ce qu'il faut encore "protéger" alors. Mettons une messagerie collective, cela serait plus simple puisque c'est le but visé par la Charte en pratique. Notons aussi que "protéger la confidentialité" des mots de passe ne s'applique curieusement que pour le détenteur ("chaque salarié" par rapport à son "poste") et pas pour le collègue et pour le supérieur hiérarchique. S'ils laissent traîner les précieux renseignements sur leur bureau, malheur au pauvre détenteur qui va se faire lapider.

La remise d'un exemplaire de la Charte aux salariés lors de l'embauche est-t-elle légale ?

Cette clause prévue par la Charte est illégale. Le règlement intérieur ne peut qu'être " affiché " dans les établissements de l'entreprise. La remise à tout salarié du règlement intérieur au moment de l'embauche a expressément été rejetée par le législateur lors de l'adoption de l'Article L.122-33 et suivants du Code du travail.


   top.gif    Dépôt CCE: 17-juillet-2001   
   c.gif    Responsable de publication: André PUJOL