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No16
   10-janvier-2000   

Nos engagements:

Faire un renvoi sur votre blog TOUT SUR LA NEGOCIATION ARTT CHEZ COCA-COLA ENTREPRISE

La dernière réunion de négociation ARTT du 5 janvier a-t-elle fait avancer un futur accord?

A l'heure où l'employeur présentait aux délégations syndicales un "avant-projet d'accord ARTT, réunion du 9 décembre 1999", les directions de sites, par encadrement interposé, présentaient aux salariés "l'avant-projet d'accord ARTT, première base de discussion" du 23 novembre 1999. Certains, bien "informés", osaient annoncer que les syndicats étaient d'accord avec cet "avant-projet". Ils n'ont pas convaincu les salariés qui ont appris à être méfiants et qui lisent aussi les communications syndicales.
Il y avait aussi "information" qu'en cas de non-signature, les heures supplémentaires seraient toujours obligatoires mais reversées à l'Etat. Des salariés ont rectifié en précisant que cela ne concernait que le supplément en pourcentage, mais les rectificatifs des salariés ne semblaient pas faire plaisir. Après la carotte des "semaines de congés supplémentaires", voici venir le temps du bâton des "heures supplémentaires non payées"! Ce n'est pas en agitant la peur du nouveau millénaire qu'on peut manipuler les salariés. Si dans certains pays on croit encore à la fin du monde, il y a longtemps que les salariés en France ne croient plus que le ciel va leur tomber sur la tête, à part quelques retardés.
Une seule chose est sûre, ce n'est pas en faisant pression sur les salariés qu'on fera pression sur les syndicats pour des signatures, c'est uniquement en discutant entre partenaires sociaux qu'il pourra y avoir un accord. Le 9 décembre, la direction de Coca-Cola Entreprise a fait des propositions, les syndicats ont présenté en commun des propositions. C'est seulement sur la base de cette confrontation des avantages et inconvénients qu'un accord sera possible et signable.

Quel est le principe des deux lois Aubry et quelles sont les principales conséquences pour les salariés?

Les lois Aubry réduisent à partir du début de l'année 2000 la durée légale du travail à 35h par semaine. Les heures faites au delà sont des heures supplémentaires. Les entreprises peuvent, en concluant un accord d'entreprise, obtenir des aides gouvernementales et des allégements de charges sous certaines conditions. Les lois Aubry ne garantissent rien pour le maintien des salaires, hors pour les salariés ayant un salaire minimum légal. Dans le cadre d'un accord d'entreprise, le décompte de la durée légale de travail peut se faire en heures moyennes sur l'année selon certaines règles (modulation, annualisation, cycle, horaires individualisés) ou avec un nombre de jours sur l'année pour certaines catégories.

Les principes du préambule de la proposition de Coca-Cola Entreprise du 5 janvier 2000 pour l'avant-projet d'accord ARTT sont-ils corrects?

Toujours pas sur 3 points que nous avons soulignés pourtant lors des réunions de la fin décembre 1999.
Il n'est pas possible pour les syndicats, qui ont légalement le pouvoir de négociation des intérêts des salariés, de reconnaître des acteurs sociaux dans les groupes de travail. Entériner ce genre de déclaration, c'est légitimer ce que Coca-Cola n'a que trop tendance à faire en réunions d'équipes pendant les négociations: l'information directe visant à influer sur les négociateurs (d'ailleurs, il est à noter que beaucoup des questions-réponses ARTT affichées par la direction sur les sites n'ont pas été envoyées aux négociateurs).
Il n'est pas possible de reconnaître que l'accord ne fixe que "principes fondamentaux de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans l'entreprise", que l'on retranche ou ajoute les mots "accord cadre". Nous ne voulons pas d'un accord qui se vide de sens au gré des ans en fonction des humeurs des directeurs de site ou d'usine, comme pour l'accord sur la grille de classification qui ne comprend plus qu'une partie des postes actuels, vu la course à la génération de nouvelles appellations (avec en général plus de responsabilités et un salaire identique).
Il n'est pas possible d'avoir un respect de "l'équité" puisque justement la Convention Collective des BRSA reconnaît la pénibilité du travail en équipes postées en instituant une obligation de pauses rémunérées.

Les définitions de la pause repas sont-elles correctes dans l'avant-projet d'accord ARTT de CCE du 5 janvier?

Coca-Cola a fait l'effort de reconnaître dans l'article 2 que la pause est une "pause repas". C'est un bon principe si on l'applique. Par contre, dans un sous chapitre sur le décompte du temps de travail effectif qui concerne le personnel non posté, on introduit une phrase qui oblige les salariés à "évaluer eux-mêmes leurs pauses et autres temps non travaillés, qu'ils déterminent de façon autonome". Nous avons rappelé que la seule pause légale est une pause repas. Nous avons demandé explicitement la suppression de cette phrase lors des réunions de fin décembre 1999. Nous avons bien entendu l'affirmation de l'employeur qu'il ne mettrait pas une pointeuse devant les toilettes en cas d'indispositions physiologiques de salariés Mais les syndicats ne peuvent pas autoriser par un accord l'employeur à faire la chasse aux fumeurs de cigarettes qui peuvent en prendre plusieurs fois cinq minutes. L'employeur est seul responsable des salariés qu'il embauche et il doit faire avec les bons et les mauvais côtés de ses salariés. Si l'employeur veut que les salariés ne se déstressent pas en fumant, il se doit de donner des conditions de travail et de sécurité satisfaisantes. Et si l'employeur veut que ses salariés bavardent moins publiquement, il se doit de faire effectuer des réunions d'équipes où il y a plus d'écoute des doléances et améliorations des salariés que d'information et de formation venant du haut.
Pour CCE, il ne faut pas confondre rédaction d'un accord ARTT et rédaction d'un règlement intérieur.

Les dernières propositions du 5 janvier de CCE pour les cadres en forfait jours sont-elles correctes?

Toujours pas, malgré la nouvelle rédaction. L'employeur a bien entendu la réclamation que nous avons faite fin décembre d'une journée de travail pouvant varier de 6h à 10h en travail effectif, mais la rédaction qui parle de "demi-journée inférieure à 6 heures" oublie que la "demi-journée" est maintenant bien encadrée par la loi Aubry puisqu'elle signifierait que les cadres qui ne feraient qu'une demi-journée auraient implicitement demandé une demi-journée en jour de repos ARTT. C'est le comble. Après avoir travaillé 10h suite à une charge de travail, il ne pourrait pas compenser de lui-même dès que l'occasion se présente en ne faisant que 6 heures. Espérons que le rédacteur n'avait pas ces intentions et qu'il était seulement un peu fatigué.
Nous ne souhaitons pas, dans le cadre d'un accord écrit, reconnaître pour les cadres une amplitude de travail de 12 heures. Aurait-on l'intention, sous prétexte de cette phrase, de garder 11 heures un cadre au travail. Nous reconnaissons que, parfois, des situations exceptionnelles, si elles sont non voulues, exigent des réponses exceptionnelles. Par contre, nous ne pouvons pas en tant que syndicats, autoriser une pression sur ces cadres.

L'organisation du travail pour les salariés en horaires variables annualisés est-elle correcte?

Pour la pause, il n'est peut-être pas souhaitable d'écrire qu'elle doit être prise "impérativement" dans une plage variable définie localement. Il y a tellement de réunions d'équipes, de convocations et d'impératifs de production qui arrivent aux heures repas, qu'il est préférable d'écrire plutôt "en principe". S'il y a des problèmes, le chef d'équipe peut toujours intervenir si cela nuit vraiment au travail (mais on ne voit pas comment puisque le texte de la loi est précis). Avec un impératif, il y aurait beaucoup de restrictions qui s'imposeraient aux responsables d'équipes.
Par contre, le rajout fait par CCE dans sa nouvelle rédaction en précisant que "les crédits d'heures pourront être reportés dans la limite de 30 heures par an" est complètement incongru. 30 heures sur 1596 heures, cela fait moins de 2% pouvant varier annuellement. Quand on le compare à l'amplitude qui peut varier de 30h à 43h, soit plus de 20% au maximum par semaine, on se dit qu'il y a un os quelque part qui empêche la réalisation concrète de la variabilité. Le rajout de 30 heures par CCE est d'autant plus incongru qu'il y a déjà une règle bien plus contraignante et suffisante puisque la "plage fixe est d'une durée minimale journalière de 6h00" Nous ne voulons pas travailler dans une usine à gaz.
Enfin, les "modalités à définir dans chaque site" peuvent encore s'approfondir en central ou dans une annexe technique à l'accord.

Pour les techniciens dépannant la clientèle, les propositions de CCE sont-elles correctes?

Nous apprécions d'abord l'abandon du décompte de 30mn forfaitaire du transport qui ne pouvait engendrer à Coca-Cola que des ennuis avec les enquêtes de la Sécurité Sociale et la grogne permanente des salariés qui, même pour des accidents de "trajet" sans gravité avec arrêt, auraient eu leur droit à congés diminué (Cassation sociale no90-40.328 du 31 mai 1994). La reconnaissance par CCE qu'un accord d'entreprise n'a pas à régler des problèmes de contrat de travail est une idée qui devrait aussi guider CCE sur d'autres parties de son avant-projet
Pour l'organisation de l'activité dans les agglomérations, le sous chapitre 1.3, établit une organisation par équipes 7h-15h30 et 10h30-19h. On voit de suite que la pause est de 1h et non de 30 minutes. Par contre, l'organisation de l'activité hors agglomérations de ces mêmes techniciens est réglée "à travers un horaire variable annualisé, comme défini au chapitre 3, article 3", donc avec "une pause d'une durée de trente minutes". Pour l'organisation de l'activité dans les très grandes agglomérations (Paris aujourd'hui), les techniciens ont aussi "une pause repas de 30 minutes". Pourquoi cette inéquitabilité pour les techniciens dans les agglomérations? Espérons que ce n'est qu'une bévue.
Pour le reste, donnons une note particulière pour un accord ARTT qui fixe "une étude" sur la faisabilité économique d'un VSD (c'est la première fois qu'on veut faire endosser aux syndicats "une étude", et comme on sait ce que deviennent les problèmes à l'étude chez CCE, on préfère ne pas cautionner). Nous laissons à CCE le temps d'étudier le meilleur service aux clients. Nous préférons en tant que syndicats signer du concret plutôt que du vent.
Pour les astreintes du samedi et/ou du dimanche, elles sont "basées sur le volontariat" pour l'activité hors agglomérations, "basées sur le volontariat" pour l'activité dans les agglomérations et "basées sur le volontariat" pour l'activité dans les très grandes agglomérations. Par contre, dans le sous chapitre suivant, elles peuvent être "exigées de chacun" et on n'oublie pas de préciser qu'elles n'interviendront pas plus d'une fois par mois et jamais sur deux semaines consécutives "en principe". C'est juré-craché.

Les contreparties prévues par CCE dans l'avant-projet d'accord ARTT pour les salariés postés sont-elles correctes?

D'abord, il est malvenu d'intégrer dans le cadre d'un accord ARTT permanent une augmentation de la prime d'équipe. La négociation sur les primes est un des éléments discutés lors de la négociation annuelle obligatoire. Coca-Cola s'est engagé à réajuster cette prime tous les deux ans, et elle doit être réajustée en l'an 2000. Si on fait l'économie de la réunion de négociation salariale, déjà qu'il y a aussi une modération salariale instituée pour deux ans dans l'avant-projet, c'est peut-être pour qu'on nous dise dans le futur que la prime a été fixée dans le marbre de l'accord ARTT et que CCE n'ira pas au delà de ce qui a été signé.
Et 147 heures à 7h30 de travail moyen effectif, cela fait 19 jours à 20 jours (19,60). Comme le nombre de jours de repos "générés par le cycle" n'est que de 17 et que les jours alloués par l'avant-projet "au titre de la prise de poste" (encore une fois, nous ne reconnaissons que du temps d'habillage et de déshabillage) est de 2, on voit qu'il y a encore un petit effort à faire de la part de CCE pour les salariés postés pour être reconnaissante. Et pour être reconnaissant, il faut d'abord reconnaître la réalité des deux contreparties à négocier.
Par contre, pour le délai de prévenance du démarrage de la saison haute, on ne peut qu'apprécier la nouvelle rédaction du projet d'accord CCE qui améliore bien la loi Aubry II.

Les dispositions sur les jours de fractionnement proposées dans l'avant-projet d'accord ARTT sont-elles correctes?

Pour le fractionnement demandé "en dehors de la période légale", il s'agit certainement d'une bourde rédactionnelle puisque, au contraire, le code du travail parle de l'attribution de ce fractionnement "pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année", soit pendant la période légale.
Pour une rédaction dans l'avant-projet d'accord ARTT des jours de fractionnement "attribués lorsque le fractionnement aura été demandé expressément par l'employeur", on se retrouve avec une disposition très en dessous du code du travail qui, dans son Article L. 223-8, précise que le congé principal "peut être fractionné par l'employeur avec l'agrément du salarié". Avant de manger du fractionnement donné par l'employeur, les salariés aimeraient bien que les arêtes ne s'arrêtent pas dans leur gorge.

Les modalités de prise de jours de repos ARTT pour les salariés non postés sont-elles correctes?

L'employeur.ne peut pas modifier les dates de départ fixées pour le congé des salariés "dans le délai d'un mois avant la date prévue du départ" (ordonnance no 82-41 du 16 janvier 1982 intégrée dans l'Article L.223-7 du code du travail). Ce qui laisse libre pour les jours de repos le mois en cours. Proposer un "délai minimum de prévenance pour prendre un jour" de repos d'un mois, c'est vouloir mettre en concurrence les salariés voulant poser des congés payés avec ceux voulant poser des jours de repos ARTT. Pourquoi pas l'inverse, comme nous l'avons demandé, c'est-à-dire une possibilité de demande de jours de repos ARTT à partir de 1 mois d'avance?
Vouloir établir comme le prévoit la loi une attribution de jours ARTT "pour moitié" à l'initiative de l'entreprise, c'est oublier que les 17 jours générés ne se coupent pas en deux. Or une demi-journée ce peut être 3h30 de travail effectif deux jours par semaine sur cinq. Vouloir faire travailler 3h30, ce n'est pas très sérieux. Peut-être la pomme pourrait-elle être coupée plus intelligemment.
La proposition de l'avant-projet ne permettant pas d'accorder les jours de repos ARTT "aux éventuelles récupérations de crédits d'horaires variables" est incongrue. Si on pose des jours de repos ARTT, c'est forcément à l'avance et en tout cas avec plus d'anticipation que les charges de travail qui sont souvent peu prévisibles et donc à faire au dernier moment. De toute façon, la journée de travail est de 6 heures minimum. Sachant qu'aujourd'hui la journée est au minimum de 7 heures, on ne voit pas ce que l'employeur va perdre si le salarié travaille 6 heures la veille d'un jour de repos ARTT (par contre, on voit que le travail n'avancera pas beaucoup si l'employeur impose une demi-journée de travail).

Y a-t-il d'autres dispositions encore à compléter sur l'avant projet d'accord ARTT chez Coca-Cola Entreprise?

L'accord de branche garantie pour les salariés des entreprises qui réduisent le temps de travail à 35 heures effectifs, deux ans après "la date de mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures", "un barème mensuel unique intégrant les deux éléments" de la rémunération, soit le salaire de base et l'indemnité IRTT qui suit l'évolution du salaire de base. Il est souhaitable d'intégrer des précisions dans l'accord ARTT chez Coca-Cola Entreprise puisque d'ici le 1er février 2002, il est possible qu'il y ait des entreprises qui rejoignent CCE.
En cas de modification dans quelques années de l'organisation du travail hebdomadaire (même sans baisse du temps de travail), les salariés risqueraient de se retrouver avec un accord vidé de sa signification puisque les jours de repos ARTT générés par l'accord ne sont que des heures de travail faites en anticipation. L'intégration des congés (les syndicats excluent les congés de fractionnement) de l'accord d'entreprise du 10 mars 1990 dans les jours d'absence attribués par l'accord ARTT, risquent alors de n'être qu'un mirage puisque les salariés pourraient perdre, et les congés de l'accord d'entreprise de 1990, et les jours de repos ARTT de l'accord de 2000. Il est souhaitable de prévoir une disposition, soit de protection, soit d'intégration pendant la période de durée de l'accord ARTT sans modifications.


   top.gif    Dépôt CCE: 10-janvier-2000   
   c.gif    Responsable de publication: André PUJOL